La médiathèque accueille l'exposition du photographe Clément Perret du 23 octobre au 10 novembre. À cette occasion, il a accepté de se prêter au jeu de l'interview et nous partage son expérience. De quoi en apprendre davantage sur son travail !
- Pouvez-vous nous parler de votre parcours à la fois professionnel et artistique ?
Mon parcours professionnel se traduit principalement par 20 années de mer que j’ai eu le bonheur de commencer comme lieutenant de la Marine Marchande sur le prestigieux Belem. Promu capitaine, je commande ensuite de nombreux navires marchands qui me feront faire escale dans des ports comme Port Gentil, Rotterdam, Abidjan, la Réunion, Singapour, le Cap, Montevideo…
Mon côté artiste et le besoin de créer ont toujours été présents et sans doute accentué par ces longs moments de solitude en mer. Dans ma jeunesse, de croquis de bateaux à des planches de BD récompensées au festival d’Angoulême, il ne m’a fallu qu’un pas comme pour regarder vers un autre horizon en me tournant aujourd’hui vers un moyen d’expression et de création artistique.
- La photographie, ça représente quoi pour vous ? Comment l’avez-vous découverte ?
La photo est pour moi un moyen de création et également d’expression et de partage de mes sensations qui proviennent d’instants éphémères.
J’ai découvert la photographie par maman qui a été photographe professionnelle. La magie de la photo argentique et du bac de révélateur a marqué ma mémoire. J’y retrouve toujours le même mystère et le visionnage après chaque prise de vue reste pour moi une découverte toujours renouvelée.
- Votre carrière dans la marine marchande, qu’est-ce que cela apporte à votre approche photographique ?
Plus que ma carrière, c’est ma vie en mer et les longs moments de contemplation pendant les heures de quart face à l’horizon, les sensations de mouvements incessants des navires qui ont influencé ma photo et je pense que le côté très graphique quant à lui provient de mes années de dessinateur industriel.
D’un point de vue pratique, dès l’enfance j’ai été attiré par la technique et travailler de mes mains. Également, par définition les marins étant des personnes autonomes, ces deux caractéristiques m’ont permis d’obtenir seul les compétences de photographie et de tirages de photo d’art.
- Quelles sont les thématiques que vous développez à travers votre travail artistique ?
Je n’ai aucune prétention chacun voit ce qu’il ressent dans mon travail, j’essaie néanmoins de développer le thème de la fluidité et ses sensations profondes qui nous viennent du ventre maternel et de la même façon les bateaux et leurs sensations qui provienne du principe archimédien, tout en travaillant mes compositions graphiques qui viennent en contrepoint sur un aspect cette fois plus « archi », en clin d’œil aux pavillons maritimes et en suggestion d’interprétation de formes.
- Pourquoi cette recherche de l’abstrait dans vos œuvres ?
J’ai toujours eu une attirance pour les œuvres abstraites. Je n’ai que ça à la maison. Les œuvres où le sujet est lisible même si elles procurent des sensations fortes ou un message poignant me touchent bien sûr mais pour moi il leur manque quelque chose. Je pense que le figuratif est forcément moins riche, ne permettant pas une liberté totale dans le ressenti.
Ma façon de cadrer serré est venue petit à petit comme si je n’avais que cette forme d’expression abstraite. Et j’éprouve du plaisir à créer le côté détourné et intrigant, c’est pour cela que je dévoile rarement quels sont réellement les sujets.
- Pour parler de choses plus concrètes, comment prépare-t-on une exposition ?
Je crois qu’une fois le sujet trouvé, il faut avant tout l’imaginer, la penser, la visualiser, se projeter dans le volume de la salle.
Après bien l’aspect technique et ses contraintes qui ont ici une importance particulière car je réalise les tirages et les présentations moi-même.
Vient en dernier le choix de la présentation avec la scénographie qui au-delà de l’endroit est l’écrin de l’exposition.
- Et comment choisit-on les œuvres qui y seront présentées ?
Je choisis en premier les œuvres qui représentent le mieux mon style, mon travail et je choisis également celles qui se démarquent le plus par les sensations qu’elles me procurent.
- Y’a-t-il un parcours particulier à suivre dans votre exposition à la Source ?
Le parcours, j’ai tenté de l’imposer pour que les visiteurs soient pris en entrant tout d’abord dans une alcôve et par ses sensations primaires de fluidité comme les premiers instants de la création d’un être au fond de l’océan ou dans le ventre de la mère et tel une naissance, une éclosion avant de s’ouvrir à la lumière, à la couleur, vers le reste de l’exposition et une autre perception de l’eau, avec le jeu entre la mer et les bateaux.
- Et pourquoi avoir choisi ce titre pour l’exposition ?
Parce qu’il résume à la fois mon travail et mon attirance pour les bateaux « Etraves » et pour l’eau « Fluide ». Et parce que pour la première fois je m’expose réellement avec le double sens du verbe, comme on s’expose au jugement d’autrui.
- Quelles sont vos références photographiques ? Y-a-t-il des artistes qui vous inspirent ?
J’ai forcément des inspirations de mon parcours de ma vie en mer, des paysages que j’ai traversés mais je n’ai pas de référence à proprement dit. Quand je crée, quel que soit le domaine j’ai besoin de commencer par une page blanche et de pouvoir partir dans toutes les directions en ayant la sensation d’inventer, de créer, au risque d’avoir du déchet et réaliser du déjà-vu. C’est cette liberté qui est moteur de création.
- Enfin, que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
De toucher le public, car sans cela il n’y a pas de partage possible et j’en ai aussi besoin pour créer.
Retrouvez l’exposition étraves Fluides en présence de l'artiste le mardi, jeudi et vendredi de 12h à 18h et de 10h à 18h le mercredi et samedi jusqu'au 10 novembre.